Classes de Ville avec l’Atelier 231 de Sotteville-les-Rouen
Voyage en CP/CE1/ CHRONIQUES D'ISABELLE SUEUR
Ecole Buisson
25 novembre 2008 ; première séance classes à PAC avec l’Atelier
Lundi 2 février 2009
Suite à la proposition de Caroline, de l’Atelier 231, je démarre un nouveau projet, en « Classe de Ville », avec un CP et un CE1 de l’école Buisson. J’ai rencontré Agnès juste une fois en novembre ; elle et sa collègue Maryse veulent travailler sur le thème du loup…tout un programme !!!
Je rencontre le matin les « petits CP » de la classe d’Agnès…ils sont effectivement tout petits !!! Je me présente, je leur demande s’ils ont une idée de ce que nous allons faire ensemble ; les réponses sont confuses. Les enfants savent que je suis une « artiste », mais la notion d’artiste leur semble limitée au domaine du dessin et de la peinture…. Ils pensent que je vais leur apprendre à « fabriquer un loup » ; Agnès m’explique ensuite d’où vient leur confusion ; le thème du loup est moteur au cours de leur année scolaire, et ils ont entamé un travail en arts plastiques sur le thème, parallèlement à une découverte des arts de la rue.
Je leur demande s’ils ont déjà vu des spectacles de rue ; sur 20 élèves, seul l’un d’entre eux a déjà été à Vivacités !
Je leur propose qu’on fasse connaissance, en cercle, en se présentant, avec un petit « salut » pour chacun ; ça leur plait ; j’enchaine avec quelques chœurs parlés, ils sont enthousiastes, ils répètent mes propositions avec application ; des nuances musicales se font entendre dans leurs paroles. Pour faire intervenir le corps, je leur propose de fabriquer des « murs d’images », sur les différentes émotions exprimées dans les histoires de loup qu’ils connaissent : la gourmandise, la peur, la frayeur, le triomphe, la joie, l’ennui de la petite chèvre de Mr Seguin, la colère du grand-père de petit Pierre, etc.
Les murs d’images leur plaisent beaucoup ; d’ailleurs, le lendemain de la séance, ils en font des dessins avec Agnès !
Je suis un programme assez similaire avec les CE1 de Maryse, qui ont un peu plus de mal à se concentrer ; sans doute l’appétit qui commence à poindre !
L’après-midi, je passe à nouveau une heure avec chaque classe : je leur fais découvrir le jeu du « miroir », qui leur permet de se poser, de se concentrer, et d’être très attentifs.
Avec la classe de Maryse, on commence à « jouer » les différentes histoires de loup. Mehdi se révèle formidable dans le rôle du loup : tout en souplesse et en lenteur, il a le regard précis et gourmand ; il se lance directement dans un personnage de loup sur « 2 pattes », alors que la plupart de ses camarades commencent par un « 4 pattes », beaucoup moins intéressant corporellement ; à 2 pattes, c’est un humain qui endosse le caractère du loup, et Mehdi le fait avec un plaisir non dissimulé ! Les enfants me font plusieurs propositions de personnages : le loup et les « six » chaperons, les 7 chevreaux et leur maman… Leila fait une très jolie petite chèvre « Blanquette », et d’autres enfants jouent avec conviction les « petits cochons » !
Ils me donnent rendez-vous pour le mois de mars ; apparemment, cette première rencontre les a mis en appétit !
Lundi 16 mars 2009
Je retrouve les CP d’Agnès avec plaisir, et a priori, c’est réciproque !
Afin de poursuivre le travail du corps, je leur propose de commencer par un travail deux par deux, de sculpteurs/statues ; ils le font avec précision et imagination ; ensuite, je demande à un « sculpteur en chef » de faire un tableau avec plusieurs statues, interprétées par plusieurs enfants ! les tableaux sont très variés, et surtout, pas du tout réalistes : ils expriment la forêt (des enfants sont placés en statues « arbres »), la Chine, un frigo ( !), un toit, une cheminée ; c’est varié, et plutôt réjouissant !
Avec la classe de Maryse, on se dit bonjour avec une grimace ; ce jeu les étonne beaucoup, et ils le font avec sérieux et application. Ils font aussi des statues deux par deux, et on embraye sur le travail des animaux ; je leur demande de respecter une seule consigne : « 4 pattes » interdit, uniquement des animaux debout ! Ils ont parfois du mal, mais la contrainte les oblige à être créatifs, et les résultats sont chouettes. Shaadi fait un gorille très convaincant, et Elodie une charmante petite souris ; d’autres me montrent un lapin, un tigre (Ethan), une chatte ; Leila est un singe qui mange des bananes avec application, Anaïs interprète un terrible lion, Morgan vole comme un rouge-gorge, Léo est un taureau, Gloria est papillon,…et Mehdi reprend le loup ; décidément, c’est un animal qu’il a dans la peau !
L’après-midi, je retrouve les élèves de Maryse dans leur classe ; ils veulent me montrer des mosaïques qu’ils sont en train de réaliser sur le thème du loup ; c’est magnifique, ils sont ravis que je m’extasie autant ! Ils m’expliquent aussi leur projet : inventer des histoires de petits chaperons multicolores, qu’ils jouent par groupes de 3 ou 4 enfants ; je leur propose de me montrer ça tout de suite dans la salle de jeu !
Le Petit Chaperon Blanc vit au Pôle Nord, se déplace en motoneige, et est menacé par un terrible Ours Polaire !
Le Petit Chaperon Violet circule en skate board en ville, est menacé par un voleur de portefeuille et par un cannibale…
Le Petit Chaperon Bleu se déplace en trottinette, est menacé par le Monstre du Loch-Ness, et veut rendre visite à son ami le poisson-clown !
Et ils continuent de décliner toutes les couleurs et les personnages !!!
Du coup, je me dis qu’on a bien fait d’appréhender le travail corporel sur le thème des animaux ; on essaie de jouer ça dans l’espace ; je leur demande d’être précis, afin que l’on comprenne ce que chacun fait ! Il y a de très jolis moments…
Gloria, la mamie que le chaperon à rayures vient visiter, a trouvé une démarche très crédible, c’est émouvant de voir une si petite fille imaginer une vieille femme !!!
Lorna est la « Tata » du chaperon violet, c’est une dresseuse de rennes ; Lorna est à fond dans son corps, ses gestes sont précis, crédibles ; elle envoie balader l’ours polaire avec beaucoup de conviction, j’adore !
Je leur propose de continuer à chercher et à préciser leurs histoires, avant la séance suivante…
Les élèves d’Agnès aussi ont essayé des choses sans moi, et veulent me montrer ; ils me présentent un « mur d’images » avec tous les personnages qui ont rencontré le loup, la chèvre de Mr Seguin, les 3 p’tits cochons, etc. Je vois qu’ils y ont bien réfléchi, c’est mimi comme tout !
Ils ont aussi travaillé en musique : deux types de démarches et de déambulations pour les chaperons, et pour les loups ; c’est charmant, ils le font avec application !
Je leur demande à eux aussi de me présenter un animal : Victory fait une poule très convaincante, c’est très drôle ; Moussa est un puma pas content du tout, Yanis est terrifiant en ours polaire, Teo s’est manifestement beaucoup exercé à hurler comme un loup, c’est impressionnant, et chacun me fait sa proposition…je les trouve très attachants !
Pour finir, ils me récitent une poésie, « Peur du Loup » ; je leur propose d’y associer une gestuelle, et de le faire en chœur, ça marche très bien, et ça les amuse beaucoup.
Lundi 11 mai 2009
Agnès ne travaille plus dans l’école ; Cathy, qui est la titulaire de son poste, est revenue de congés ; je sens qu’Agnès est déçue de ne pas aboutir le travail démarré ensemble, mais Cathy m’accueille avec plaisir ce matin dans sa classe ; elle est curieuse de savoir ce que je vais faire avec les enfants…
On démarre par des petits rituels en cercle : faire circuler l’énergie, se saluer, réveiller doucement le corps ; je leur propose d’essayer des démarches différentes, avec une consigne particulière à chaque fois : marcher à pas de loups, être en colère, se balader avec plaisir, etc. ; Lorsque je dis « statue », ils doivent garder l’émotion, mais ils préfèrent inventer une autre statue, qui n’a rien à voir avec la démarche initiale ; je recadre, je réexplique, ça marche mieux….
Par rapport à la séance précédente, je leur suggère d’imaginer le parcours d’un loup, qui rencontre plusieurs animaux pour les manger, mais chacun des animaux trouve une bonne excuse pour ne pas se faire manger. Julie propose une chèvre toute mignonne : « tu ne peux pas me manger, Monsieur le loup, je dois aller chercher mes enfants à la piscine ! ». Thomas et Moussa inventent un dragon à deux têtes, ils parlent de façon alternative : « Monsieur le loup, on va te cramer les fesses ! ». Yanis est un ours chinois très impressionnant, ils se jette dedans avec énergie ! C’est Téo qui endosse le rôle du loup à chaque fois, décidément c’est son créneau…
Pour finir la séance, je leur apprends la chanson des 3 Petits Cochons : « Qui craint le grand Méchant Loup, c’est p’têt’ vous, c’n’est pas nous ! Regardez comm’ on tient l’coup, tralalala, Na ! » On y associe une gestuelle, ça fonctionne, je me dis que ça peut être utile pour la suite.
Ce matin, les CE1 de la classe de Maryse sont moins concentrés et plus dissipés : le jeu des démarches ne fonctionne pas aussi bien qu’avec les CP. On continue le travail de débroussaillage sur les histoires des Chaperons ; dans chaque histoire, le chaperon est menacé par un « méchant », alors qu’il va rendre visite à quelqu’un ; cela donne lieu à des bagarres et à des courses poursuite. Seulement, les enfants confondent ce jeu avec la cour de récré ; je leur explique que le théâtre, c’est un jeu, certes, mais stylisé, puisque le but est avant tout de faire parvenir des émotions à un public, si petit soit-il !
De plus, ils font souvent des choses toutes petites dans l’espace, et donc pas assez visuelles, ni compréhensibles !
Après le déjeuner, je continue avec cette classe, mais sans Maryse, qui est obligée de s’absenter. Ils sont étonnés d’être sans la maitresse, mais je les trouve finalement plus concentrés que le matin !
Nous commençons par apprendre une Berceuse pour endormir le loup ; le fait de chanter les oblige à s’écouter, on peut travailler sur des variations sonores, des gestes, c’est vraiment un travail « choral », que je prends plaisir à diriger !
Ensuite, on reprend les histoires des différents chaperons, en affinant celles déjà vues, et en découvrant les nouvelles. On cherche comment faire exister le dauphin du chaperon rose. On précise l’action du « cannibale du bras droit » ; je demande à Maxime de détailler sa façon de dévorer tous les bras droits, de communiquer au public son plaisir de dégustation…je me régale, tant il y prend plaisir ! Le requin est interprété par deux enfants : Shaadi pour la tête, et Emma pour la queue ; ça fonctionne, ça les oblige à être vraiment ensemble.
Pour finir, je découvre l’histoire du chaperon doré : Anaïs, Shaadi et Pierre se lancent dans des courses poursuites beaucoup plus intéressantes que celles du matin ; ça y est, on est au théâtre, je suis épuisée, mais ravie !!!
En fin d’après-midi, je retrouve les CP de Cathy, et je poursuis le travail du matin, afin que chaque enfant trouve son personnage d’animal ; certains enfants n’ont pas envie de faire un animal seul ; on décide que le dernier animal rencontré par le loup est l’éléphant, accompagné de ses 5 ou 6 éléphanteaux ; les plus timides sont ravis de faire les éléphanteaux ; du coup, ce sont eux qui chantent la chanson apprises le matin !
Cathy est heureuse de découvrir les enfants dans un autre contexte que celui purement scolaire , elle est même assez impressionnée par la façon dont certains se servent de leur corps pour exprimer des choses……je lui explique que c’est justement « ça », le théâtre !
Lundi 25 mai 2009
Grand soleil aujourd’hui à Rouen ; je prend le tramway pour Sotteville pleine d’entrain ; arrivée à l’école, j’apprends que Cathy est absente aujourd’hui ; zut et ratazut ! La directrice, Fabienne, me propose d’assurer quand même la séance ; elle réunit les enfants, qui ont été dispatchés dans plusieurs classes. Les enfants semblent assez excités, mais contents de me retrouver ; nous commençons par les « rituels » habituels : faire circuler l’énergie, réveiller doucement le corps. Je leur demande ensuite de se présenter individuellement, au moyen de leur personnage « animal » choisi lors de la séance précédente ; leurs gestes sont relativement précis, je sens qu’ils commencent à « rentrer » dans la proposition de travail… Je leur propose ensuite le « jeu de l’aveugle » : un enfant les yeux fermés se fait guider par un autre ; ils ont du mal à se concentrer, et c’est d’autant plus difficile de les cadrer tous à la fois, d’autant que la maitresse est absente ! On revoit le parcours du loup, et ses différentes rencontres ; ce qui fonctionne vraiment bien, ce sont les rires de chacun des animaux, lorsqu’ils laissent le loup seul, sans rien à manger !!!
Je retrouve ensuite les élèves de Maryse , auxquels je propose les mêmes jeux qu’aux plus petits ; les CE1 se montrent bien plus concentrés et appliqués aujourd’hui ; c’est agréable ! Ensuite, on commence à revoir les différentes histoires de chaperons… Je suis bluffée par la proposition de Leïla, Sarah et Elodie, autour du chaperon « arc-en-ciel » ; elles s’écoutent, prennent le temps, c’est plein de charme, elles investissent tout l’espace ; youpi, elles ont compris !
L’histoire du chaperon « doré » est racontée par Anaïs, Pierre et Shaadi ; ils démarrent super bien, et s’emmêlent à la fin ; je leur demande d’y réfléchir pour le revoir après le déjeuner. J’aime décidément beaucoup l’histoire du chaperon « violet » et du cannibale ; on rajoute un élément : à chaque fois qu’un enfant se fait « manger » le bras, il pleure, ou crie, ou s’évanouit…ça marche ! Le chaperon à rayures est interprété avec précision et concentration par Ethan, Morgan et Gloria !
L’après-midi, on se retrouve dans la cour ; je leur demande pourquoi on travaille dehors ; les réponses fusent : « parce que la salle est occupée par d’autres gens ! » « parce qu’il fait chaud ! » « parce que tu préfères travailler dehors ! » Bon, c’est laborieux, et je leur explique à nouveau que mon métier, c’est le théâtre « de rue », que je joue dans des tas d’endroits différents, qui sont très rarement des théâtres, et que, du coup, on va essayer nos histoires dans la cour ! On commence par des choses en chœur, en se déplaçant : la berceuse pour endormir le loup, et une annonce (« c’est l’histoire des chaperons, patapon ! ») ; ils sont amusés de jouer dehors, sont curieux, et sont finalement assez concentrés, ce qui n’est pas si évident ! On installe la « tata » (Lorna) du chaperon blanc en haut du toboggan ; Léo se réfugie chez elle, alors qu’il est poursuivi par l’ours/Matéo ; ce dernier se laisse tomber plusieurs fois dans le sable, lorsque Lorna l’envoie balader ; c’est très comique, les enfants sont aux anges, et comprennent ce que le lieu peut amener à l’histoire…
L’étoile de mer s’installe dans les filets du terrain de foot, et elle avance doucement, pendant que se déroule l’histoire du chaperon rose ; c’est joli comme tout ; en plus, je sais (enfin !) pourquoi j’ai proposé que le requin soit joué par 2 enfants (Emma et Shaadi) ; lorsqu’il avale le chaperon, celui-ci est pris en sandwich entre les deux, c’est très drôle!
L’histoire du chaperon bleu semble plus complexe ; Jordan, Lilian et Brandon ne savent pas bien ce qu’ils font ; on recommence, je leur réexplique la nécessité d’être précis….on avance ! Pour finir, je leur propose de venir me voir jouer au Festival de Sotteville avec la Chorale ; ils ont bien envie….
Après la récréation, je récupère à nouveau les enfants de CP dans la cour ; comme pour les CE1, il faut que je leur réexplique pourquoi on va dehors ! On revoit la chanson « Qui craint le grand méchant loup ? », et on l’essaie dans plusieurs endroits de la cour, avec des variations sonores… Ensuite, j’essaie de l’inclure dans l’histoire du loup et de ses rencontres successives ; après plusieurs tentatives, je reste sur la proposition suivante : les animaux jouent et chantent deux fois la chanson ; le loup arrive en courant au milieu d’eaux, ils se figent ; ils expliquent à tour de rôle au loup pourquoi ils ne peuvent pas être mangés ; et on finit par la chanson chantée par la famille des éléphants ; sous les arbres de la cour, on y croit ; « on dirait qu’on est vraiment dans une forêt » me dit Victory….eh oui !!! Ils sont tout tristes lorsque je leur dis que c’est notre dernière séance ensemble, et me font plein de bisous d’adieu ! Avant de partir, je les invite à venir assister à « Si tous les Champs du Monde » à Vivacités le 28 juin prochain ; Alena me regarde, consternée : « Quel dommage !!!!! C’est justement le jour de mon spectacle de majorettes !!!! ».
Sans commentaires….. !