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Les LETTRES DE MA MAISON N°15
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Hantant la ville et les espaces publics, un troupeau de maisons hautes et étroites, qui s'ouvrent comme des boîtes à musique sur des histoires d'amour enfermé.
Les grandes envolées d'un projet passent à la moulinette de la réalité: ce parcours inévitable qu'on appelle création. Chronique de chaque étape.

 

Cette fois l’entrée du camion se fait sans problème. Chouette. Mais son hayon est en panne. Bon. Nanterre grisonne. Gros programme. Chacun prend ses marques sur la pelouse. Au passage, on apprend que Jean-Louis, le régisseur général de Parcs en Fête est aux urgences. On pense à lui. Sa haute stature et sa voix éraillée nous manquera dans le paysage de cette journée.

Nous nous sommes préparés pour enquiller les saynètes et péremptions sans déplacement. Le ciel se dégage. Les spectacles démarrent. Petit public au début qui grandira énormément. Un public populaire, bien moins sage que sur les deux précédents parcs où nous avons joué. J’ai le temps de jeter un œil sur Port’Nawak, une création courte et absurde de la cie Progéniture, qui me réjouit fort au passage et c’est parti.

Un monde fou qu’il faut asseoir du mieux que possible avec vélos et poussettes placés n’importe comment. Olivier a commencé ses déclarations et s’essaye sur Fred Ford de la Cie Annibal qui, tout occupé à ordonner le public, se fait surprendre. Ça parle fort autour, dedans, un bruit ambiant énorme et il faut beaucoup de conviction aux comédiens pour s’imposer. Au coeur du public, un chœur de spectateurs attentifs, bien placé, dont l’attention nous permettra de résister aux aléas -Les aléas jactent à l’aise, à Nanterre-.

Introduction ; première maison. Patrick a retravaillé sur quelques accessoires de la maison marron et celle-ci devient plus claire et nettement plus fluide. Péremption de la romancière et du domestique. Toujours dans un vacarme ambiant et des déplacements incessants, cette fois autour des maisons et sans faire attention à ce qui se passe. La maison Rouge ensuite, qui va monter en tension et commencer à susciter des remous approbateurs lorsqu’il se met à insulter les voisins. Surprise générale avec la transformation de la chimère et regards amusés sur l’enfer de ce pauvre Red. Il y a des araignées, des serpents : on est dans un territoire connu. Il y a toujours du boucan mais on n’y fait plus attention.

Péremption de la maman qui touche beaucoup et de plus en plus efficacement peut-être parce que c’est un enfermement très proche de beaucoup de gens. Les tireficelles commandent : « Pivotez ! » et Rosa Rose fait son entrée. «  Oh qu’elle est jolie » se chuchotent certains enfants au début. « On dirait une sorcière qui aime bien les adultes mais pas les enfants » ça évolue. Et l’histoire se déroule, désarçonnante, laissant bouche bée la plupart. Un enfant dira : « moi je ferai jamais ça à mon chat » tandis qu’un père interrogeant son fils : « tu crois qu’en mettant le cœur d’un chat dans une poupée elle va vivre ? ». Le sniper intervient pour contester l’horreur de cette présentation mais pour la première fois, il ne suscite pas un ras de marée d’approbation. Péremption de la châtelaine qui peine à trouver sa cible mais en trouve une fort conciliante. Et c’est la dernière saynète avec Solo Amarillo. La sono démarre, s’arrête, redémarre, s’arrête. Aïe ! léger flottement que Jacot va tenter de remplir intelligemment. Enfin ça part mais le rythme s’est un peu perdu. Intervention et chanson finale des tireficelles. Applaudissements. Intervention d’Olivier qui là aussi se fait un peu contester puis il salue, chaleureusement applaudi. Une spectatrice près de moi s’adresse à sa petite fille « merci d’avoir patienté ma puce » puis à son mari « tu as vu ce spectacle ? Exceptionnel ! Il raconte l’enfermement de l’amour quand il n’est pas donné ! » Plus vite et justement résumé, je n’ai pas encore entendu. Je ne sais pas s’ils ont tous pensé ça mais c’est le genre d’écho qui fait franchement plaisir.

Le gros du public continue son périple spectaculaire et nous restons là, sourire aux lèvres, discutant avec quelques spectateurs et amis qui nous font leurs commentaires.

Fin d’un cycle. On ne remerciera jamais assez ceux qui nous ont permis cette année de le mener et, en particulier, Véronique Dilsot, dont le festival (parcs en fête) est actuellement menacé par un olibrius qui voudrait tout regrouper sur une même journée et même lieu. Quand on voit le public qu’elle est parvenue à drainer en quelques années, on ne comprend pas ce type de décision et on espère bien qu’il ne sera pas suivi d’effet.

Quant à nous, nous allons tout remettre à plat pour aller jusqu’au bout et jusqu’à la forme adéquate au propos.

Je vous tiendrai au courant.

Merci à ceux qui nous ont suivis tout au long de ces chroniques.

A suivre

Photos prises à Issy par Rosa Mignot, spectatrice active.

le dossier en résumé: http://www.acidu.com/fichmaison.htm