CHRONIQUE des RESIDENCES DE CREATION de

"SI TOUS LES CHAMPS DU MONDE"

troisième opus de la Chorale de St Fulbert

AVERTISSEMENT : Le premier spectacle de la Chorale de St Fulbert a pu grandir et gagner en efficacité grâce aux publics qu'il s'est créés. Ce côtoiement régulier avec le public a déterminé la forme finale de la Rave Paroissiale et sa proximité aux spectateurs -spécifique, comme on sait, des arts de rue-. La rue où le "quatrième mur" existe peu et où se construisent avec le public des rapports quasi impossibles à ourdir en laboratoire. C'est un des avantages de l'"age de l'innocence", cette période où une compagnie, ou une forme de spectacles, peu connus - et dont on attend, en conséquence, pas trop - ont le temps de se construire et de se perfectionner, sans pression excessive. Période privilégiée et unique, parce qu'après, lors du second opus, les plantades se payent cash et c'est ce qui nous est arrivé pour "Ainsi fut-il", que nous avions commis l'erreur de préparer seulement en salle. Du coup, pour le troisième opus, nous avons proposé à différents partenaires une orientation des résidences de création plus frénétiquement attachée aux sorties d'atelier : les Résidences Itinérantes de Création. Rien de révolutionnaire en soi mais, en ce qui nous concerne, c'était le chainon manquant entre la période de création et celle de monstration. Au final: 9 semaines de création dont 4 se terminant par une seule sortie de chantier et 5 consacrées essentiellement à celles-ci. Ce qui nous fera au total 27 représentations de travail. Et un beau périple dans l'hexagone: Normandie (Atelier 231), Ile de France (Moulin Fondu), Lorraine (Malbrouck) et Finistère (Le Fourneau) pour les 4 premières semaines. Et ensuite l'Artois, la Saone & Loire, la Lorraine et la Vendée pour les 5 dernières semaines avec, chaque soir, un lieu et un village de représentation différents. Sans préjuger du résultat, et outre l'énorme dépense d'énergie qu'implique ce type de projet, il nous aura, par les rencontres qu'il aura provoquées, ainsi que par les villages et les populations qu'il nous aura fait découvrir, profondément et durablement enrichis, voire bouleversés. Au moment d’attaquer la première officielle (16 mai à Noisy le sec),on se dit que quelques semaines de plus n'auraient pas été du luxe. Mais elles ne remplaceront jamais cette patine magique qu'un spectacle acquiert à chaque représentation. On se lancera donc, avec la trouille au ventre, même si les préfigurations ont été bien reçues, mais aussi avec dans l'idée que nous avons fait ce qu'il fallait, et ce qui nous ressemblait, même si ça ne suffit jamais.

Les lignes suivantes racontent au jour le jour cette passionnante aventure

Sotteville les Rouen

C’est la toute première résidence. On se voit depuis quelques mois pour défricher les nouvelles chansons et c’est sur cette semaine que nous devons les mettre au point avec Solange Milhaud, comédienne sur les Joyes du Mariage mais aussi chanteuse lyrique et prof de chant émérite. Du chant à haute dose. Une autre cie fait sa résidence en même temps que nous : Mastoc Production, cie plutôt dédiée à la danse et qui a inclus dans son spectacle des comédiens sourds-muets. Du coup on se fait des cours de langage des signes et c’est très sympa. Sortie d’atelier des deux compagnies le vendredi. On ne fait que chanter avec un premier essai de costumes et deux gourdes. Un public chaleureux qui accueille bien les chansons. On en profite pour voir la présentation de Mastoc avec en prime de magnifiques photos de vieillards élégants. Un choc.

Noisy le Sec

Ce n’est pas loin de chez nous, c’est un peu comme chez nous, du 10h/18h qui laisse à chacun la possibilité de gérer sa vie familiale sans les sollicitations que nous rencontrons au local d’Acidu. Reprise des chants, premières chorégraphies, sans pression ; d’autant que c’est notre seule résidence sans sortie publique. Par contre, c’est à Noisy que nous ferons notre première, le 16 Mai.

Malbrouck (Manderen)

Nous avons une complicité de longue date avec Malbrouck qui a accueilli la quasi-totalité de nos créations, celles de la chorale mais aussi les Graaleurs, la Marquise, les Grosses Légumes et , en particulier, la Ménagerie des Coincés du Cœur. On est comme chez nous dans ce nid d’aigle reconstruit par le Conseil Général de Moselle et où le fameux Malbrough s’en vint en guerre et s’épuisa à attendre un adversaire qui ne venait pas… Un pays magnifique, à deux pas de l’Allemagne et du Luxembourg (Schengen) : le pays des trois frontières. On est en février : on s’attendait au froid et à la neige. C’est un temps tout à fait doux qui nous reçoit. On perfectionne les chorégraphies qui, pour certaines, commencent à ressembler à quelque chose. Une semaine studieuse où on prend le bon air, tranquillement. La sortie de chantier sera quasi familiale, avec le personnel du château plus quelques amis. Repas ensuite avec tout le monde. Un moment bien convivial. D’après les retours, comme pour Sotteville, les prémisses du spectacle s’avèrent prometteurs.

Le Fourneau (Brest)

C’est notre dernière semaine de créa pure et la pression monte. C’est la dernière semaine avant que nous n’entamions les sorties de chantier à haute dose. Le Fourneau, c’est un ancien entrepôt, à même le port de commerce. Yffic, le maire honor-yffic du port, et gardien amical de la structure nous reçoit et me fait découvrir son blog, sa nouvelle passion. Un blog où il fait visiter le port, raconte ses habitants, son histoire, des anecdotes (http://www.portde.info/index.php). Nous sommes logés à deux pas. Tout est conçu pour que nous puissions travailler efficacement. Au Fourneau, nous retrouvons plein d’amis, notamment Philou qui fait la cuisine depuis un certain nombre d’années. Un type cultivé, curieux, voyageur, une carcasse imposante derrière laquelle il n’est pas inintéressant de fouiller. Et puis Michelle, Claude, Valérie, Yffic le jeune, webmestre émérite et militant, Florence… que nous connaissons, pour la plupart, depuis longtemps.

La salle où nous travaillons résonne terriblement. Hangar et chanteurs ne font pas bon ménage mais au moins avons-nous l’espace. Nous commençons à bosser sur les personnages et les présentations. Ce sera un énorme défi pour Eve que de nous défaire peu à peu de nos travers favoris pour faire de cette chorale une nouvelle aventure. C’est la partie délicate de l’opération. D’autant qu’il nous faut monter quelque chose de présentable avant la prochaine résidence.

La sortie de chantier se fait le vendredi, ce qui nous laisse du temps pour rectifier après. 200 personnes environ, dont pas mal de fidèles du Fourneau mais d’autres aussi qui sont venus spécialement pour nous. On se lance allègrement dans le foyer, qui a une acoustique meilleure. Et ça passe, bien que nous n’ayons pas encore tout monté. Il y a là nos amis des Kvocaux, une chorale qui a participé à l’aventure des Coincés du Cœur et qui a même appris une de nos chansons de la rave : Harmonie. Ouh ce plaisir quand on se met à le chanter tous ensembles !

Une super soirée d’échanges et de délire.

En fin de séjour, on essaie de rectifier et compléter. Un peu de fatigue avant le retour.

Houdain

On s’installe dans cette petite ville d’Artois aux lointaines origines romaines (il y a à côté la chaussée Brunehaut) et on commence à travailler. Aujourd’hui, pas de sortie de chantier, c’est demain que ça commence. C’est Pascal, ancien journaliste d’Europe 2, qui nous reçoit pour Droit de Cité, l’association avec nous avons monté cette résidence. Un type jovial, intarissable sur l’histoire de sa région, mais qui en a bavé, ça se voit. Nous sommes en plein pays chti et ça nous fait plaisir. Découverte des produits locaux, de la carbonade, de la goudale… Nous répétons dans la salle ou s’entrainent les majorettes locales (il y a tout un tas de coupes sur une étagère) Deux journalistes de France 3, des copains de Pascal, viennent interrompre la répétition pour faire de l’image et une interview. Les conditions de lumière sont pourtant loin d’être faciles. Rapports joviaux et cordiaux. Ribambelle de mots. Ce reportage passera le lendemain sur toute la région et pas mal de spectateurs nous en parlerons.

Marles les Mines

Il a neigé cette nuit. Il nous aura fallu attendre le printemps pour voir la neige ! Louis est cloué au lit avec une angine et nous devrons nous en passer ce soir. Tout près d’Houdain, on joue dans une salle improbable devant une soixantaine de spectateurs qui ne nous connaissent pas. Retraitées à qui on ne la fait pas, enfants, un public populaire et bon enfant qui reçoit notre esquisse en écarquillant les yeux et nous félicite chaleureusement. Pas sûrs de le mériter, on reçoit ces encouragements avec plaisir. Un pot et des crêpes sont offerts par l’asso et c’est un grand plaisir, cet échange post-spectacle. Une dame dit « ça fait du bien de rire ! Notre vie est si triste ! ».

Bruay en Buissières (ex-artois)

C’est le tristement célèbre Bruay en Artois, qui a changé de nom depuis. C’est une ancienne cité houillère, qui a perdu pas mal d’habitants depuis. On y joue sur scène, avec entrée payante, ce qui nous gêne un peu, mais ça fait partie des accords avec Droit de Cité alors on ne moufte pas. La ville est jolie. La représentation un peu inconfortable ; on se sent loin des spectateurs. Mais ça passe et plutôt bien.

Divion

J’ai parié avec Pascal que l’origine du nom était romaine et c’est exact : ça vient du « due via », au carrefour de deux voies romaines. Toujours autant de monde, ils se sont donnés le mot. Madame le Maire est venue honorer la soirée de sa présence, pas proutprout ni guindée pour deux sous. Ici on ne se la joue pas mais on se raconte volontiers. Il y a dans le coin la seule ville qui ait vu deux listes communistes s’opposer au deuxième tour des municipales. C’est un vrai bonheur ce séjour. Ça fait très cliché de le dire, mais l’accueil ici, c’est incomparable. Laurent, le responsable de Droit de Cité est avec nous. Louis a retrouvé la patate et la fantaisie. La vraie récompense pour nous, c’est l’après-représentation, qui nous prend de plus en plus de temps.

Houdain

Dernière sortie d’atelier dans le ch’nord. Djamel est parti enterrer sa mère au pays. On pense à lui et on se débrouille comme on peut, plutôt pas mal d’ailleurs. On joue dans la mairie. Des spectateurs qui reviennent pour voir l’évolution, ou pour accompagner un copain qui ne l’a pas vu. Il y a comme une complicité qui s’est installée. Pascal nous accompagne pour notre dernier repas dans un petit restau en face de la mairie, avec Laurent. Le lendemain, il sera à St Denis pour suivre le match de Lens contre Paris. Oui, vous savez, de fameux match de la banderole anti-chti !

Mesvres

A peine a-t-on pris l’air francilien qu’il faut repartir pour la Saône et Loire. On s’installe à l’Abattoir de Chalon, Centre National des Arts de la Rue qui a l’habitude de recevoir les cies. On a nos noms sur la porte de nos chambres et ça fait bien plaisir ce petit détail. Calage en après-midi dans une petite salle tout en carrelages puis départ direction Mesvres, à 50km de là. Un petit patelin de 800 habitants, pas très loin d’Autun. Nous sommes dans la Bourgogne riche, riche de sa terre principalement. Un public extrêmement mélangé dans cette petite salle où on nous a placés (un vrai théâtre paroissial avec son immuable décor de boulevard) avec les familles d’agriculteurs, de fonctionnaires, les retraités, les jeunes couples, les ados…. Une petite centaine de personnes devant nous, à deux pas. On joue devant la scène qui était trop étroite avec quatre projos qu’on a placés rapido. Représentation qui se déroule sans anicroche. On a enfin réussi à placer toutes les chansons du spectacle. Du coup, on peut voir ce que ça donne en longueur. Ça se passe plutôt bien avec une complicité étonnée du public dont on n’est pas vraiment sûr qu’il nous situe très bien –certains nous prennent parfois pour une véritable chorale amateure et, du coup, se font énormément laudateurs -. On entendra dans le public « on a bien fait de venir ! ».

Marcigny

Le rythme à l’Abattoir s’installe progressivement. Répétitions de 11h à 13h. Déjeuner. Puis re-répétition. Puis départ. Plus de 100kms à faire. Marcigny est à l’autre bout du département. Et en retrouvant la salle, on se souvient qu’on y a joué la Rave, récemment. C’est un petit théatre, chaleureux et familial. Une moitié des spectateurs nous ont déjà vu dans le premier opus. 150 spectateurs environ. Et toujours cette difficulté pour nous de se retrouver sur scène sans avoir tout à fait ses marques. On n’est pas super contents mais le public apprécie. Petits gateaux et cidre concluent la journée avant le long retour vers nos pénates chalonnaises.

Verdun sur le Doubs

Une grand salle en face la maison de retraite. On a juste fait 40kms pour venir. La scène est grande aussi. Installation des projos. 180 spectateurs environ. Pierre Buch, grand maître des saisons du CG71 nous avait prévu une sono que nous avons imprudemment décommandée. Du coup, ça pêche pour l’écoute. Tout n’est pas entendu. Et c’est assez frustrant, autant pour nous que le public, ce spectacle qui n’est pas passé dans sa totalité. Cependant l’accueil est bon et le pot d’après chaleureux.

Chalon

Pour une fois, on ne se déplace pas. On va jouer dans la salle dite « grand tuerie » dans le cadre des sorties de chantier habituelles de l’Abattoir. Un public d’une petite centaine de personnes avec, comme au Fourneau, sa part d’habitués et de gens venus spécialement pour nous. On sent un public plus connaisseur que celui de nos représentations habituelles du mois. Malheureusement, la salle est tout en longueur et le son pas génial là aussi. Les compositions, plus sophistiquées que celles de la Rave, ne le permettent pas vraiment. D’où une certaine déperdition ici aussi. Mais tout le monde sait qu’il s’agit d’une séance de travail et celles et ceux qui viendront nous voir par la suite nous dirons combien ça a évolué par la suite.

Lux

Pas de grand voyage aujourd’hui non plus. Lux (prononcez « lu ») est une quasi banlieue de Chalon, avec très peu de programmation sinon amateure. Nous nous retrouvons dans une salle large et sympa, spectateurs assis sagement sur des chaises sorties pour l’occasion, et acoustique très résonnante. Un public hyper-local, avec pas mal d’enfants notemment + quelques extras qui ont loupé la séance d’hier. Michaël Sanchez, édudiant de la FAI AR qui nous a rejoint en début de semaine pour un stage d’un moins, filme l’intégralité pour permettre à Eve de bosser ce w-e sur l’ordre des chansons. Un spectacle de fin de semaine, c-a-d pas monstrueusement pêchu, mais qui passe sans anicroche. Un petit groupe prend le pot autour de l’organisateur de la soirée, lui-même chanteur. On se mêle à eux mais pas très longtemps. La fatigue se fait sentir. Demain retour sur l’ile de France pour un w-e familial express.

Sigy le Chatel

On n’a pas vu passer le dimanche. Retour à Chalon vers midi. Eve nous propose un ordre des chansons bouleversé. On a trop peu de temps pour vraiment l’essayer. Du coup ce sera à l’arrache. On arrive à Sigy, probablement le plus petit village dans lequel nous jouerons (107 habitants hors-été). Nous sommes dans le foyer rural, reçu par une Gisèle dynamique et souriante qui nous a préparé un frichti formidable à ses frais et nous nous régalons. Le nouveau maire est là qui ne pourra pas rester, pour cause d’inter-communalité (il reviendra nous voir 3 jours après). 80 spectateurs dans cette petite salle. Question proximité, nous sommes gâtés. Un spectacle débridé, forcément débridé, et que nous sentons très vacillant. Mais qui plaira pourtant comme nous le constaterons dans les échéances suivantes, qui ne désemplirons pas, dans les bourgs d’à côté.

Bonnay

On a bossé toute la journée principalement sur le personnage d’Anne-Suzanne Poirier, qu’interprète Mathilde, notre nouvelle choriste, et sur l’intégration du nouvel ordre du récital. A Bonnay, même type de salle qu’à Sigy, un public averti (par qui ?) nous attend de pied ferme. 80 personnes environ là aussi. Et le personnage d’Anne-Suzanne se met à prendre une dimension inattendue, toute en nuances et en inventions. Interventions toujours juste, fous rire rentrés. Un vrai pied d’acteurs. Le nouvel ordre est quasi intégré et ça fonctionne. On est ravis et Mathilde se prend une kyrielle de compliments. Pas facile d’entrer dans une histoire et une équipe aussi folle que cette chorale après 8 ans de tournée. Le défi vient d’être, avec brio, relevé. Du coup, c’est du bonheur, et une vraie fête avec le public.

Genouilly / Cormartin / St Gengoux le National

Trois jours où on laboure tous les recoins du canton et un public qui vient, revient, en famille, avec des amis. Des enfants très souvent. Ce sont les vacances ici et on a l’impression de faire partie des réjouissances. Des paysages magnifiques. Vignes en grande quantité et on nous fait goûter moult spécialités. Nous sommes accompagnés à chaque fois par quelqu’un du CG et quelqu’un de l’Abattoir. On peut avoir ainsi des retours sur les progrès qu’on fait. Les salles sont toutes, pour la plupart, aléatoires, c-a-d pas vraiment faites pour le spectacle – on joue même parfois sous les néons – mais c’est justement notre force que de pouvoir s’adapter et jouer dans toutes sortes d’endroits, sans problème ni flafla.

A Cormartin on se retrouve dans une salle basse, avec fermes apparentes, et un nombre de spectateurs à la limite de la saturation. Les retraités de l’asso qui nous reçoit n’ont encore jamais vu ça. Ceux qui sont les plus loin n’entendent pas toujours tout, ni ne voient. Mais il y a une ambiance, une confiance qui gomme ces aspérités. Certains sont venus de loin qui nous ont vu sur le festival il y a quelques années, ou dans d’autres endroits. On se rend compte qu’on a un réseau et qu’il est plus vaste qu’on imaginait.

Le dernier vendredi on se retrouve avec Pedro Garcia et Pierre Buch pour tirer les enseignements de cette expérience. Ils ont envie de récidiver l’an prochain avec une autre compagnie et ça fait bien plaisir.

Le travail avec Eve se fait par touches, rectifications ; frustrant pour elle parfois parce qu’il y a toujours cette représentation au bout de la journée, qui nous fait nous économiser sur l’intensité. Mais c’est, en même temps, la certitude de ne pas fonctionner en roue libre, d’être près du terrain et des spectateurs. Et pour l’instant, constatons-le, malgré les tentations, on ne déborde pas dans le jeu. Des essais, des propositions. Qui seront validées, modifiées ou refusées au cours de la séance de travail suivante. On est bien à l’Abattoir et dans ce pays, même si la pluie ne lésine pas sur les douches. Pour nous qui prétendons lutter contre la sécheresse, c’est paradoxal.

Notre minibus tombe en panne au moment de partir. Si bien qu’une grosse partie de l’équipe se trouve à prendre le train. C’est que notre temps libre se trouve bien réduit et il y a tant à faire avant lundi prochain et le départ pour la Moselle.

Eve en plein taf... (photo: Michel Wiart)

Après coup à St Gengoux (photo Michel Wiart)

Volmerange les Boulay

Un village de 500 habs, à 30 km de Metz, en Moselle. J’imagine une association culturelle qui s’appellerait Mad Moselle. Beaucoup d’habitants bossent à Metz et ça implique un certain désengagement dans la vie locale. Nous arrivons assez tard (14H30). Frichti sympa dans le troquet-foyer du bourg avec Jean Marie, (dit Witi), notre hôte, directeur de la MJC du coin puis répète à petite énergie. Nous expérimentons « l’arbre à gourdes » d’Eve.

Un bekoff pour le diner et c’est parti pour la première sortie dans le coin, pour une petite quarantaine de spectateurs qui ne nous connaissent pas du tout. Et c’est tout l’intérêt. Ils se laissent peu à peu prendre par notre douce folie, douce parce que ce soir là, et pour cette petite jauge, nous jouons sans forcer, décontractés et plutôt justes. Des retours plutôt enthousiastes à la sortie. On dort chez l’habitant.

Falck

Ancienne cité minière pas très loin de Volmerange et à une dizaine de kms au sud de l’Allemagne. Nous sommes accueillis au foyer des jeunes, une asso générationnelle d’une bande de trentenaires dynamiques proposant des cours de cirque, de jeux de plateaux et autres activités alimentées en grande partie par un festival des Feux de la St Jean. Nous logeons dans l’ancien appartement d’un concierge qui leur a causé bien des soucis parait-il. Nous jouons à 19h et avons choisi de le faire dehors pour retrouver des sensations indispensables. Une quarantaine de personnes sont là, certaines viennent de Volmerange. Le jeu se passe bien mais c’est mou-mou aux entournures. A la place du pot d’après-spectacle, c’est un barbecue que nous partageons et nous emmène fort tard dans la nuit.

Bouchons sur Saulx

180km qui nous amènent pile à l’heure, à Morlay (sic) (meuse). Sauf que ce n’est pas là qu’on nous attend et qu’il nous faudra 50mn pour nous retrouver dans le bon endroit, à 8 kms de là, où nous attend la chorale locale avec un bon frichti tout chaud (il a eu le temps). Repas vite expédié avec la correspondante locale du Républicain Lorrain qui nous glisse une interview en douce. On doit jouer dans la cour de l’école maternelle de Bouchon, à 19h. Il pleut ; du coup on se rapatrie à l’intérieur devant une cinquantaine de personnes, choristes, membres de l’atelier théâtre de notre ami Michaël de la cie Azimut et membres de la petite asso culturelle locale. Une atmosphère intime et complice pour cette représentation plutôt enlevée. Après rangement, on se retrouve avec les choristes qui ont préparé un repas pour tout le monde. Accueil hyper chaleureux, voire enthousiaste. Les choristes nous interprètent deux airs. On cause, on boit, on rit. De belles rencontres dignes de celles qui ont fait la richesse de cette résidence itinérante. Le soir nous sommes chacun pris en charge par un des choristes pour la nuit.

Villers la chèvre

200 bornes pour rejoindre ce petit bourg de Meurthe et Moselle, à proximité de Longwy et des frontières belges et luxembourgeoises. C’est Bernard Lahure, maire fraichement élu de la commune, agriculteur, conteur, et chef d’entreprise qui nous reçoit dans la maison familiale, ou plutôt sa mère, l’inénarrable et très active Rose. Laquelle nous sert un repas préparé par ses soins avec les produits de la ferme tout en nous faisant l’exposé de ses convictions et de quelques démêlées familiales. Nous mangeons, fascinés, dans cette maison qui date d’avant la révolution et qui a sans doute assez peu changé depuis cette période. Une plongée dans un monde plus vrai que nature. Un st Fulbert pour de vrai. Au soir, ils ne seront qu’une petite vingtaine à assister à notre représentation, ce qui n’empêchera pas de belles rigolades et un contact très chaleureux avec la population. « De quelles planètes vous débarquez ? » sort une spectatrice pliée du début à la fin. Repas du soir avec Bernard qui nous parle du conte, des « fiauves » lorrains, des griots, de ses plans pour rendre son bourg autonome énergétiquement et qui connaît bien son affaire, indéniablement. Où je me dis que c’est par ce genre de personne, une ruralité moderne, ouverte et responsable, que le monde a peut-être encore d’une chance d’aller dans le bon sens. On s’est tous pris une solide leçon de vie.

Mignéville

Et une longue traversée de 200 bornes pour rejoindre l’autre extrême du département, à deux pas de l’Alsace et des Vosges : Mignéville. Un tout petit village de 500 habitants. Il fait soleil pour une fois. Nous sommes dans la maison pour tous, reçus par une bande de retraités actifs et chaleureux. Tout près, le terrain de foot où quelques ados viendront pousser la balle. Derrière, un chemin. Et derrière encore, les vaches. On se croirait dans une pub. Un village sans age, éternel. On jouera dans la salle d’activités, à 19h. Réglages et répétitions. Une soixantaine de personnes se pointe pour la représentation. Plutôt alerte pour un vendredi. Et très bien reçu par un public hilare. On mange avec eux puis départ pour Montreuil.

La Tranche sur Mer

Dimanche et pas vraiment eu le temps de souffler. Autre ambiance à proximité de la mer. Il fait soleil. Les familles vendéennes sont de sortie et baguenaudent au centre ville de la Tranche. Beaucoup moins dans le parc des Floralies où se déroulent les Déferlantes de printemps qui nous accueillent sous chapiteau. Nous venons juste d’arriver et n’avons que le temps de faire un essai d’espace et de son. Le son parait bon mais s’avèrera catastrophique in fine. L’espace est un peu petit (petite estrade). Une petite quarantaine de personnes nous attend. Nous ne parvenons pas à nous coordonner ce qui rend le spectacle par trop touffu. Du coup, le public aura du mal à se réunir autour. Et pour cause : il ne comprend pratiquement rien à ce qu’on chante et à ce qu’on dit. On en ressort plein de questions.

St Hilaire de Riez

On devait jouer sous chapiteau mais icelui a été démonté à cause du vent. Vue l’expérience de dimanche, ce n’est pas forcément une mauvaise chose. On est donc rapatrié sur le centre culturel, salle plutôt conviviale avec une petite estrade de 60cm de haut. On joue à 21h30 devant une grosse centaine de personnes. Il y a « les fautifs » spectacle clownesque d’une compagnie du Gers qui fait la première partie et on se lance, sans laïus d’intro pour une fois. Comme à la Tranche on est un peu mou mou au départ mais je me demande si ça n’est pas structurel. Par contre, le public (familial : c’est à peu près tout ce qu’on en saura) suit bien et nous fait une ovation debout à la fin. On respire. Le nombre de jours qui nous reste s’amenuise et, en conséquence, l’échéance de la première se fait de plus en plus en plus proche. Solange est parmi nous et c’est toujours un plaisir. On a fait les notes après spectacle. Du coup, le petit public qui nous attendait s’est esbigné.

un essai raté... mais marrant

St Jean de Monts

On a répété essentiellement le chant avec Solange et décidé d’abandonner un rituel qui nous plombait. C’est le 1 er Mai, beaucoup de promeneurs. On arrive alors qu’un numéro de trapèze a déjà commencé. On jouera à coté, à 18h, sans estrade, ni gradin, devant des rangées de chaises, enfin dans des conditions rue. Le plus gros public qu’a rencontré « Si tous les champs du monde » jusque là, plus de 250 personnes. On a juste une reprise son, un peu métallique. Et ça marche bien, même si nous sommes encore à chercher nos marques. Nous ne respirons pas, le spectacle ne respire pas encore assez mais il y a les sensations qui reviennent. Une dame enthousiaste se lève avant la fin de RTT pour crier « Bravo ». Il y a un public de badauds mais aussi de connaisseurs, comme nous le verrons un peu plus tard lors de la représentation de « Beaucoup de bruit pour rien » de 26000 couverts. C’est bien la dernière ligne droite pour nous ; nous ne sommes pas loin du but.

St Gilles Croix de Vie

On joue à 16h30. Du coup on se retrouve à 11h pour répéter, et pas en très grandes formes. On joue à coté d’un chapiteau, dans une programmation très rythmée. Il y a énormément de monde dans la ville ce jour là, mais très peu aux Déferlantes : une petite centaine de personnes. Jeu en extérieur et sans micro : ce qu’il nous faut. Avec le soleil en sus. Et une représentation où on sent que les choses commencent à se poser. Par contre, nous aurons, comme dans toute cette semaine, très peu de contacts et de dialogues avec le public. C’est le cadre qui veut ça, trop proche d’une diffusion classique et où le public se trouve peu impliqué. Exactement ce qu’il nous faut pour nous amener à la première.

Les Sables d’Olonne

A 21h au théâtre de verdure, à deux pas du remblai. Une bonne acoustique mais la scène surélevée crée une petite barrière avec le public. Nous avons besoin avant tout de le sentir proche. On a répété léger pendant la journée –fatigue oblige- . Sébastien, le programmateur et son adjoint Yvan. Accueil cordial. On discute de la politique culturelle de cette ville qui n’y attache pas une énorme importance. Le Sablais est peu chaleureux de prime abord. Le départ est un peu mollasson ; je me dis qu’on ne va jamais décoller. Et ça commence à se faire. Le public grandit, grâce à l’arrivée de nombreux badauds qui restent. Et ça finit en bon délire sympa. Importante cette soirée, parce que c’est la dernière de nos résidences au complet. François, de la télé locale, nous a filmé tout du long et on termine par une interview tous les deux, où il m’écoute avec des yeux étonnés et ravis. Dans le public, on a reconnu notre ami Philippe Maindron, programmateur de Poupet, et sa petite famille, toujours aussi sympa.

Notre Dame de Monts

C’est là que mes petits camarades résident depuis le début de la semaine. Spectacle à 11h30 dans une rue piétonne tout près du marché. De la rue quasi à l’arrache. Nous sommes 7. Virginie nous a laissé pour un contrat qu’elle n’est pas parvenue à faire annuler. Erreur de placement : le public a le soleil sur la tête. Il en souffrira. Nous avons décidé de jouer comme si l’absence de Virginie venait de nous tomber dessus. Et ça se passe plutôt bien. La proximité avec le public y est pour beaucoup. Une représentation ludique et plutôt déconnante qui nous fait du bien en fin de séjour. Nous mangeons ensuite avec d’autres troupes en résidence, notamment les Batteurs de Pavé, baltringues helvètes. C’est l’occasion d’une bonne partie de rigolade avant que le minibus n’entame son voyage retour, vers les embouteillages.

 

Pierre Prévost mai 2008

voir un max de photos, c'est ici

 

cie acidu / théâtre de rue